LE PACTE DUTREIL :
L’UNE DES PROIES DE LA LOI DE FINANCES 2026
INTRODUCTION
Le Pacte Dutreil, pilier de la transmission d’entreprise en France, traverse une zone de turbulences.
Longtemps considéré comme un outil d’équilibre entre préservation du patrimoine professionnel et continuité économique, il est désormais dans le viseur du législateur.
👉 Entre volonté d’accroître les recettes fiscales et désir de “moraliser” les avantages patrimoniaux, la loi de finances 2026 pourrait bien transformer en profondeur ce dispositif emblématique.
Objectif affiché : recentrer l’allègement sur les transmissions “réelles” d’entreprises familiales, et non sur les stratégies d’optimisation jugées excessives.
LE CONTEXTE : UN OUTIL FISCAL AUX FRONTIÈRES DE L’ABUS
Créé en 2003, le Pacte Dutreil permet, sous conditions, d’exonérer de 75 % la valeur d’une entreprise transmise par donation ou succession. En contrepartie, les bénéficiaires doivent conserver les titres pendant plusieurs années et garantir la poursuite de l’activité. Mais depuis plusieurs années, l’administration fiscale dénonce un usage parfois dévoyé du dispositif :
- Montages via holdings animatrices aux contours flous ;
- Détentions croisées entre sociétés rendant difficile la lecture des engagements ;
Transmissions partielles servant davantage à réduire l’IFI qu’à pérenniser une entreprise réelle.
💡 Dans un contexte de déficit public record et de quête d’équité, le Pacte Dutreil est perçu par Bercy comme un “trou noir fiscal” à encadrer.
LES MESURES ENVISAGÉES PAR LA LOI DE FINANCES 2026
UN RÉCENTRAGE SUR LES ENTREPRISES OPÉRATIONNELLES
Le texte prévoit de limiter l’éligibilité du Pacte Dutreil aux seules sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Les holdings purement patrimoniales ou financières en seraient exclues, sauf si elles démontrent une véritable animation du groupe.
👉 Objectif : éviter que des structures d’investissement ne bénéficient indûment d’un avantage conçu pour les transmissions professionnelles.
UN CONTRÔLE RENFORCÉ DES ENGAGEMENTS
Les engagements collectifs et individuels de conservation devraient faire l’objet d’une déclaration annuelle systématique auprès de l’administration.
Les manquements (oubli, retard, cession anticipée) entraîneraient la remise en cause automatique de l’exonération, sans possibilité de régularisation.
💬 Cette obligation vise à mettre fin à la “tolérance administrative” dont bénéficiaient certains contribuables depuis 20 ans.
UNE REVALORISATION DU SEUIL D’EXONÉRATION
Le taux d’exonération passerait de 75 % à 65 % pour les transmissions de parts importantes (au-delà de 10 M€ de valeur).
Ce signal fort traduit la volonté politique d’une “fiscalité du patrimoine plus contributive”, même si les experts y voient un risque pour la compétitivité familiale et la transmission intergénérationnelle.
UN ÉQUILIBRE FRAGILE ENTRE JUSTICE ET ATTRACTIVITÉ
La France compte plus de 400 000 entreprises familiales, dont beaucoup dépendent du Pacte Dutreil pour éviter la vente forcée lors des successions.
Selon le MEDEF, une réduction de l’exonération pourrait fragiliser plusieurs milliers de PME et ETI.
À l’inverse, le gouvernement défend un principe de “justice fiscale active”, estimant que les plus gros patrimoines doivent contribuer davantage en période d’endettement public record.
Les associations de notaires, elles, alertent sur le risque d’une insécurité juridique accrue : le flou sur la notion de “holding animatrice” reste entier malgré 20 ans de jurisprudence.
DES STRATÉGIES D’ANTICIPATION DÉJÀ EN COURS
Face à la réforme annoncée, les conseillers en gestion de patrimoine et les avocats fiscalistes anticipent une ruée vers les donations avant 2026.
Les stratégies les plus évoquées :
- Réaliser les transmissions avant l’entrée en vigueur de la réforme ;
- Réorganiser les groupes pour rendre les holdings éligibles ;
- Profiter du régime Dutreil actuel pour des apports partiels d’actifs ou des transmissions mixtes (pleine propriété / nue-propriété).
💡 Les mois à venir s’annoncent intenses dans les études notariales, avec un calendrier fiscal étroit et un afflux de demandes de simulation patrimoniale.
LES ENJEUX POLITIQUES : ENTRE POPULISME ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE
La communication gouvernementale s’appuie sur une rhétorique de justice et d’exemplarité : “un dispositif réservé à ceux qui créent réellement de la valeur”. Mais dans les faits, la réforme du Pacte Dutreil s’inscrit dans un arbitrage politique plus large entre soutien à l’entrepreneuriat et recherche de recettes.
Selon certains économistes, le risque est de décourager la transmission familiale, au profit de cessions à des fonds d’investissement ou à des acteurs étrangers. Autrement dit : moins de transmission nationale, plus de capital étranger.
CAS CONCRET : UNE ENTREPRISE FAMILIALE FACE À LA RÉFORME
Jean et Marianne dirigent depuis 25 ans une PME viticole valorisée à 8 M€.
Souhaitant transmettre progressivement à leurs enfants, ils avaient prévu de signer un Pacte Dutreil en 2026.
Avec la baisse du taux d’exonération à 65 % et la contrainte d’activité opérationnelle renforcée, leur stratégie change :
- Mise en place d’un apport préalable dans une holding animatrice réelle ;
- Anticipation d’une donation avant la fin 2025 ;
- Simulation d’un passage à l’IS pour optimiser la trésorerie future.
Résultat : un gain fiscal préservé, mais au prix d’une structure plus complexe et d’une gestion administrative accrue.
Exemple type d’une adaptation défensive, où l’ingénierie patrimoniale devient essentielle.
CONCLUSION : UN TOURNANT POUR LA TRANSMISSION D’ENTREPRISE
Le Pacte Dutreil version 2026 marque un tournant majeur de la fiscalité patrimoniale française.
S’il vise la transparence et l’équité, il risque aussi de pénaliser les transmissions vertueuses et de fragiliser le tissu entrepreneurial.
Les prochains mois seront décisifs : la réforme pourrait être adoucie par amendement ou par décret d’application, mais son esprit est clair — moins d’avantages automatiques, plus de preuves d’utilité économique.
Pour les familles entrepreneures, l’heure est à l’anticipation : restructurer, transmettre, et documenter.
Car en 2026, plus que jamais, la fiscalité récompense non plus la possession, mais la création de valeur durable.
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