BUDGET 2026
VERS UNE DÉFISCALISATION TOTALE DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES ?
UNE MESURE CHOC AU CŒUR DU DÉBAT PARLEMENTAIRE
L’annonce a fait l’effet d’une bombe politique et fiscale.
Le 25 octobre 2025, l’Assemblée nationale a adopté un amendement majeur dans le cadre du projet de loi de finances 2026 : la suppression du plafond de 7 500 € qui limitait jusqu’ici la défiscalisation des heures supplémentaires (article 81 quater du Code général des impôts).
👉 Concrètement, toutes les heures supplémentaires pourraient bientôt être exonérées d’impôt sur le revenu, sans plafond annuel, dès le 1ᵉʳ octobre 2025.
Si le Sénat confirme la mesure, il s’agira d’un tournant historique dans la fiscalité du travail.
Portée par le groupe Les Républicains, soutenue par Laurent Wauquiez et reprise par plusieurs députés de la majorité présidentielle, cette initiative renoue avec le slogan devenu culte du début des années 2000 : « travailler plus pour gagner plus ».
UN CONTEXTE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE ÉLECTRIQUE
Cette proposition intervient dans un climat social tendu.
Pouvoir d’achat en berne, inflation persistante (3 % en 2025), déficit public record (près de 6 % du PIB) : la France avance sur une ligne de crête budgétaire.
Les ménages, eux, voient leurs dépenses contraintes exploser : logement, énergie, alimentation.
Dans ce contexte, valoriser le travail et redonner du revenu net apparaît comme une priorité populaire.
L’idée n’est pas nouvelle.
Depuis 2019, les heures supplémentaires bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu dans la limite de 7 500 € par an et par salarié.
Mais ce plafond excluait de fait une partie des cadres, des professions à horaires étendus ou des salariés fortement sollicités en période de surcharge.
👉 L’amendement de 2025 vise donc à supprimer cette limite pour instaurer une défiscalisation intégrale, quelle que soit la quantité d’heures effectuées.
CE QUE PRÉVOIT L’AMENDEMENT
SUPPRESSION DU PLAFOND ANNUEL
Le texte modifie l’article 81 quater du CGI pour effacer toute référence au plafond de 7 500 €.
Résultat : chaque heure supplémentaire restera exonérée d’impôt, même au-delà de ce seuil, tant qu’elle répond aux critères légaux :
• heures effectuées à la demande ou avec l’accord de l’employeur,
• rémunération majorée selon le taux légal ou conventionnel,
• déclaration sur le bulletin de paie.
En revanche, la mesure ne concerne pas les cadres dirigeants, qui n’entrent pas dans le champ de la durée légale du travail.
APPLICATION À PARTIR DU 1ᵉʳ OCTOBRE 2025
La défiscalisation intégrale s’appliquerait aux heures réalisées à compter de cette date, avec effet sur la déclaration de revenus 2026.
Cette rétroactivité partielle évite un décalage trop long entre l’adoption de la mesure et ses effets concrets sur les fiches de paie.
COMPENSATION BUDGÉTAIRE PAR UNE TAXE ADDITIONNELLE SUR LE TABAC
Afin de limiter le coût pour les finances publiques, estimé à 2,3 milliards d’euros par an, le texte prévoit la création d’une taxe additionnelle sur les produits du tabac.
Une mesure symbolique, qui fait débat : si elle vise la santé publique, elle risque aussi d’alimenter l’inflation sur un marché déjà surtaxé.
LES OBJECTIFS AFFICHÉS
Le camp des partisans insiste sur la cohérence économique et morale de la mesure:
REDONNER DU POUVOIR D’ACHAT
Dans un contexte de stagnation salariale, la défiscalisation totale permettrait à un salarié d’augmenter directement son revenu net, sans surcoût pour l’entreprise.
C’est une manière de récompenser le travail et l’effort, sans toucher au Smic ni déclencher de spirale inflationniste.
VALORISER LES MÉTIERS EN TENSION
Santé, hôtellerie, transport, industrie : de nombreux secteurs peinent à recruter et à fidéliser.
La possibilité de réaliser des heures supplémentaires mieux rémunérées — et totalement nettes d’impôt — pourrait rendre ces métiers plus attractifs.
ENCOURAGER L’ACTIVITÉ ET LA CROISSANCE
En incitant à travailler davantage, le gouvernement espère accroître le volume global d’heures travaillées, stimuler la productivité et renforcer les recettes sociales.
Un pari classique : plus de travail = plus de richesse produite = plus de marges fiscales indirectes.
LES CRITIQUES ET LES DOUTES
Si la mesure séduit sur le papier, elle suscite de nombreuses réserves du côté des économistes et des partenaires sociaux.
UN RISQUE DE COÛT BUDGÉTAIRE ÉLEVÉ
La défiscalisation intégrale priverait l’État de plusieurs milliards de recettes d’impôt sur le revenu.
Dans un budget déjà déficitaire, certains y voient une incohérence budgétaire, d’autant que la France est sous surveillance accrue de Bruxelles pour réduire son déficit.
UNE MESURE JUGÉE INÉGALITAIRE
Les syndicats soulignent que seuls les salariés ayant la possibilité de faire des heures supplémentaires — souvent les mieux rémunérés — bénéficieront de la mesure.
Les travailleurs à temps partiel, les employés précaires ou les agents publics en seraient largement exclus.
Résultat : une aide concentrée sur les classes moyennes supérieures, sans effet réel sur les bas salaires.
UN IMPACT SOCIAL ET SANITAIRE DISCUTABLE
Les experts en santé au travail alertent sur le risque d’épuisement et de surcharge.
Favoriser le “travailler plus” dans un contexte déjà marqué par la fatigue et le stress professionnel pourrait accentuer les risques psychosociaux.
De plus, une hausse des heures supplémentaires peut freiner les embauches et aggraver la précarité dans certains secteurs.
UNE MESURE SYMBOLIQUE OU STRUCTURELLE ?
Au-delà des chiffres, la suppression du plafond incarne un choix idéologique.
Les défenseurs y voient un acte de confiance envers les salariés et une récompense du mérite individuel.
Ses détracteurs y lisent une politique court-termiste, cherchant à flatter l’opinion à l’approche des échéances électorales de 2026.
Laurent Wauquiez résume la philosophie de la réforme en une phrase :
“C’est une victoire pour la France qui travaille.”
De leur côté, plusieurs économistes rappellent que la précédente défiscalisation, mise en place en 2007, n’avait pas eu d’impact durable sur le pouvoir d’achat global ni sur la croissance.
Mais le contexte d’aujourd’hui — inflation forte, chômage contenu, tension sur le travail qualifié — pourrait modifier la donne.
LES EFFETS ATTENDUS SUR LES ENTREPRISES
Pour les employeurs, la défiscalisation totale pourrait être un levier de motivation puissant.
Les heures supplémentaires exonérées restent soumises aux cotisations sociales, mais l’avantage net pour le salarié renforce la flexibilité et la réactivité des équipes.
Certaines PME craignent néanmoins une distorsion de concurrence : les grandes entreprises, capables d’absorber plus d’heures, profiteront davantage du dispositif.
En revanche, les TPE déjà fragilisées par les hausses de coûts risquent de peiner à suivre.
👉 Pour éviter les dérives, plusieurs députés plaident pour un encadrement strict :
• traçabilité numérique des heures,
• plafonnement du volume mensuel autorisé,
• contrôle des abus via l’Urssaf.
UNE MESURE ENCORE SOUS EXAMEN
Le texte adopté à l’Assemblée doit encore franchir l’étape du Sénat, avant un éventuel retour en commission mixte paritaire.
Le gouvernement, prudent, n’a pas encore confirmé son soutien définitif.
Le ministre des Finances a rappelé que la “trajectoire de désendettement” reste prioritaire et qu’aucune mesure fiscale ne doit compromettre les engagements européens.
Cependant, l’exécutif reconnaît que la proposition répond à une attente forte des salariés et pourrait devenir un compromis politique avant la présentation du budget 2026.
VERS UNE NOUVELLE CULTURE DU TRAVAIL ?
Cette réforme s’inscrit dans une mutation plus large : celle du rapport des Français au travail.
Après la crise du COVID et la montée du télétravail, l’équilibre entre effort, rémunération et reconnaissance est devenu central.
En supprimant le plafond de défiscalisation, le législateur envoie un signal clair : travailler davantage doit rapporter davantage.
Mais la réussite du dispositif dépendra de sa mise en œuvre :
• simplicité administrative,
• clarté des fiches de paie,
• équité entre salariés publics et privés,
• respect du droit du travail.
La question n’est donc pas seulement fiscale, mais profondément sociétale : quelle place voulons-nous redonner à la valeur travail dans une économie sous tension ?
CONCLUSION
La suppression du plafond de 7 500 € sur la défiscalisation des heures supplémentaires marque un tournant majeur du budget 2026.
Entre signal politique fort et risque budgétaire assumé, cette mesure cristallise deux visions de la société :
celle qui valorise le travail comme moteur de progrès, et celle qui redoute un déséquilibre financier durable.
📌 À retenir :
• Le plafond de 7 500 € serait supprimé dès octobre 2025.
• Toutes les heures supplémentaires deviendraient exonérées d’impôt sur le revenu.
• Le coût estimé pour l’État avoisinerait 2 à 3 milliards € par an.
• La mesure doit encore être validée par le Sénat.
👉 Le débat ne fait que commencer : justice sociale ou populisme fiscal ?
En 2026, la France rejoue un vieux refrain — celui du travail comme solution à la crise — mais dans un monde où chaque euro public compte plus que jamais.
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